Rapport Lunel : une conception très libérale du rôle de l’Ecole

samedi 30 juin 2007
par  sudeducationalsace
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Le 27 mars 2007, Pierre Lunel, délégué interministériel à l'orientation remettait au 1er ministre d'alors, Dominique de Villepin, son schéma national de l'orientation et de l'insertion professionnelle : Pour un nouveau pacte avec la jeunesse. L'origine de ce texte remonte au rapport Hetzel de l'université à l'emploi issu du débat national université-emploi qui s'était engagé suite au mouvement social anti-CPE. La préoccupation majeure est le chômage des jeunes et le malaise d'une jeunesse sans perspectives d'avenir. L'insertion professionnelle des jeunes est un réel problème mais ce « pacte social avec la jeunesse » qui n'a pour but que de « réconcilier la jeunesse avec l'école et l'entreprise » dénature complètement le rôle de l'école. Il n'est jamais question d'épanouissement personnel, de réconciliation de la jeunesse avec le plaisir d'apprendre et du développement de l’esprit critique. Le seul but de l'école selon ce rapport est qu'elle fournisse des travailleurs « clés en main ». Sud éducation dénonce cette instrumentalisation qui est faite de l'école au service du marché du travail. 

Sud éducation dénonce cette analyse biaisée du problème des jeunes. En centrant la problématique sur l'orientation et l'insertion, on évite la remise en cause du fonctionnement actuel du système éducatif, sélectif à tous les niveaux, véritable agent de reproduction sociale. On évacue aussi l'analyse des vrais problèmes d'emploi. En effet, ce rapport repose sur une idée simple : la formation n'est pas assez adaptée aux besoins du marché de l’emploi. Pourtant, que sont ces 500000 emplois « non occupés » (chiffres avancés par le MEDEF) face aux 2 millions de chômeurs officiels (4 millions en fait) sans compter les « 10 millions de salariés en situation de sous-emploi ou d'emploi inadéquat »[1] ? Et si ces emplois sont « non occupés » ce n'est pas un problème de formation mais de conditions de travail, de salaires, de prestige. Enfin, est évacuée aussi la question des prospectives d'emploi : la dualité du marché du travail s'accentuera encore entre des besoins de haut et de bas niveaux de qualifications. On comprend mieux les vraies motivations de ce gouvernement : Conforter une école à deux vitesses qui forme des cadres sortants de grandes écoles réservées à l'élite d'un côté et de l'autre, une masse de travailleurs précaires et dociles formés à l'apprentissage précoce.

 

Des mesures inadaptées

 

Parmi les mesures qui concernent le secondaire, un des objectifs affiché est d’apporter aux jeunes une meilleure connaissance des métiers. Ainsi, la découverte professionnelle, 3h optionnelles actuellement, deviendrait obligatoire, à raison de 2h par semaine pour tous les élèves de 3ème. Cet enseignement systématisé interroge : Quel en sera le contenu ?, Comment permettre à un collégien d’appréhender effectivement la diversité et la complexité des réalités professionnelles ? Et surtout, la sélection reste basée sur le niveau scolaire et non sur la « bonne connaissance des métiers ». Par exemple, le métier de pilote de ligne passionnera bon nombre d’élèves mais très peu le deviendront. Il y a donc même un risque. Celui de faire croire aux élèves qu’une meilleure connaissance des métiers leur permettrait d’accéder au métier de leur rêve. De plus, cet enseignement se fera au détriment d’un savoir général qui permet de former des citoyens actifs et responsables. Ce rapport prône également le développement de l’apprentissage à tous les niveaux. Au-delà des intentions affichées, l’objectif réel est donc bien de familiariser plus vite les jeunes au monde de l’entreprise et de fabriquer de futurs salariés dociles aux premiers niveaux de qualification.

Autre mesure : des entretiens d’orientation en 3ème et 1ère générale, technologique et professionnelle, systématiques et conduits par les professeurs principaux. Ce transfert des missions des Conseillers d’Orientation Psychologues sur les enseignants dénature ce qu’est réellement un entretien d’orientation, augmente la charge de travail des enseignants et préfigure la disparition progressive des COP. Les grands perdants sont les élèves : ils ne pourront plus bénéficier de cette aide dans l’élaboration de leur parcours de formation et de leur projet professionnel, assurée par des professionnels qualifiés. Les COP sont formés à la psychologie et leur travail au sein des équipes pédagogiques leurs permettent d’appréhender l’élève dans sa globalité. Ils sont également formés à l’économie, aux sciences de l’éducation et leur indépendance leur permet d’apporter une information neutre et objective, réellement au service des parents et des élèves.

 

Les mesures proposées pour l’enseignement supérieur ont pour objectif de mieux préparer l’orientation des élèves de terminales à l’université (orientation active), de mieux les accueillir grâce à un système de tutorat, de mieux les informer sur l’insertion (maison des anciens étudiants pour construire des réseaux). Si l’ensemble de ces mesures sont séduisantes, elles ne répondent pas aux problèmes de fonds auxquels sont confrontés les étudiants : conditions d’études désastreuses dans certaines filières comme médecine, STAPS ou psychologie, sélection déguisée, problèmes de financement des études, concurrence inégale avec les sortants de grandes écoles, autant de réalités qui font de l’université le parent pauvre de l’enseignement supérieur .......

Par ailleurs, dans la droite lignée du rapport Hetzel, plusieurs mesures consacrent la politique de professionnalisation de l’Université : Création de comités université/entreprises, stages courts de « découverte des métiers » en 1ère et 2ème année de licence, modules professionnalisants de base dans toutes les licences (informatique, langues, connaissance du monde économique, techniques de recherche d’emploi, portefeuille de compétences). Derrière le discours démagogique de se soucier des études supérieures et de l’emploi des jeunes, il s’agit bien en fait de renforcer la relation entreprise/université avec le risque de ne garder que les filières économiquement rentables et de mettre l’université au seul service des besoins du marché du travail.

 

Disparition programmée du service public d’orientation

 

Ce rapport est un schéma national de l'orientation et de l'insertion professionnelle. Pourtant, il faut attendre la mesure n° 20 pour que les Centres d'Information et d'Orientation (CIO) soient enfin cités (ce sera la seule et unique fois !). Ils se voient assigner un rôle extrêmement réduit, puisque circonscrit à la coordination locale du recensement des jeunes sortis du système scolaire sans qualification et à la centralisation des informations relatives aux entretiens de situation. C'est dire le peu de cas qui est fait du service public d'orientation existant et son recentrage exclusif sur les questions d'insertion. Cette mesure est d’ailleurs complémentaire à celle relative à la mise en place d’un service public local de l’emploi. Plus clair encore, ce rapport ne parle pas de Conseillers d’Orientation Psychologues mais de Conseillers d’Orientation vers les métiers. Les missions de ces « conseillers d’un nouveau type » seront ou seraient : Information et coordination pour l’orientation scolaire et professionnelle, en liaison avec les entreprises et le service public de l’emploi.

Pour parachever ce démantèlement savamment programmé et orchestré, ce rapport préconise (fort opportunément dans cette logique !) une formation des enseignants à l'orientation tout au long de leur carrière.

 

Bingo ! La boucle est bouclée ! Profitant de la pénurie actuelle des COP, il s’agit bien de laisser le champ libre au juteux marché concurrentiel de l’aide à l’orientation et de transformer les COP en agents recruteurs : Une orientation à deux vitesses dans une école à deux vitesses.

 

Sud Education revendique notamment :

Pour les CIO :

 

-Maintien de la place et du statut des CIO (relevant du Ministère de l’Education Nationale et indépendant des établissements scolaires)

-Maintien d'un réseau de CIO sur tout le territoire (au moins les 560 existants),

-Gestion uniforme des moyens de fonctionnement assurée par l'Education Nationale

-Des moyens de fonctionnement et des locaux décents permettant l'accueil du public dans les meilleures conditions.

-Des personnels administratifs, titulaires de l’éducation nationale en nombre suffisant.

-Des documentalistes à la hauteur des besoins. Au minimum un poste à temps plein, quelque soit la taille du CIO ou de l’antenne.

 

Pour les COP :

 

-Maintien du statut de fonctionnaire d’état et des missions actuelles : ni psychologue réduit à de la remédiation scolaire, ni « orienteur » chargé de faire du placement professionnel. Notre cœur de métier, c’est l’information et le conseil individualisé en orientation

-Des recrutements permettant d'atteindre dans les 5 ans à venir le ratio 1 COP pour 500 élèves du second degré.

-Des recrutements permettant d'intervenir significativement dans l'enseignement supérieur.

-Des conditions de travail adaptées (respect de la maîtrise de l’emploi du temps sur la base de 35 heures hebdomadaires avec le maintien du quart temps, prise en charge des frais de déplacement, dotation en matériel informatique).

-Arrêt du recrutement de personnels précaires et titularisation immédiate et sans condition de ceux déjà employés,

-Création de postes de titulaires réservés réellement aux remplacements

 

Commission orientation de la Fédération des syndicats Sud Education, www.sudeducation.org



[1]  Chiffres avancés par « les autres chiffres du chômage », extraits d'un article de Louis Marie Barnier, sociologue, membre de la fondation Copernic : « le libéralisme contre les droits des salariés en activité et au chômage. Trois enjeux autour de la sécurité sociale professionnelle »

 En pièce jointe, ci dessous, le tract fédéral


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