Réforme des lycées : vol au-dessus d’un nid de coucou !

dimanche 7 mars 2010
par  giggetto
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Normalisé pour le bien commun

Le discours que les administrations dans nos établissements assument actuellement n’a jamais été aussi proche de celui de la psychiatrie de l’enfermement. Avec les élèves, les parents d’élèves et surtout les enseignants dans le rôle des fous. Jamais, en effet, leur discours n’aura été aussi représentatif du totalitarisme potentiel que recèle l’expression « il faut voir la réalité en face » !

En l’occurrence la « réalité » c’est l’étau créé depuis quelques années par la LOLF -la loi organique relative aux lois de finance du 1er aout 2001-. Cette dernière est une procédure qui permet d’en finir définitivement avec l’idée d’une organisation de la société qui, avec les services publics en particulier, aurait pu prendre la direction d’un régime où les intérêts du plus grand nombre auraient été pris en compte. En gros, alors que la précédente procédure -datant de 1959- énonçait que les dépenses de l’état devaient être établies et votées avant ses recettes, depuis 2006 -date de la généralisation de la LOLF à toutes les administrations-, c’est le contraire. Certes, la loi de 1959 n’a jamais été idéalement appliquée et l’état a toujours détourné une partie importante de la richesse créée par les travailleurs au profit de son propre développement. Mais elle reflétait -et influençait dans une certaine mesure l’action de l’état- la situation créée dans l’après-guerre en particulier par le caractère quasi-insurrectionnel des luttes et grèves de la période. Ainsi, c’est au moment où « les caisses de l’état étaient véritablement vides » que la sécurité sociale est mise en place.

Il n’est qu’à comparer avec l’argumentaire actuel utilisé par le gouvernement, mais aussi certaines « forces de proposition », constructives et responsables dans lesquelles on retrouve des directions des plus grosses centrales syndicales, pour percevoir la distance idéologique parcourue. Aujourd’hui, le « principe de réalité » ultime et définitif c’est celui de la « bonne gestion » : on ne peut pas dépenser plus que ce que l’on a ! Comment discuter ça ? Tout simplement en regardant l’histoire. Jusqu’au XIXème siècle -ça fait quand même une grande partie de l’histoire de l’humanité-, ce principe n’a jamais été appliqué et la France, par exemple, s’est retrouvée 8 fois en cessation de paiements -d’après Charles Tilly- et la situation a été réglée politiquement -par l’embastillement des créanciers en particulier (la crise financière actuelle aurait certainement été bien mieux gérée grâce a une telle solution)-. Alors, certains esprits chagrins, mais réalistes et responsables, nous ferons remarquer que les choses ont changé. Et pourquoi elles ont changé ? Ben justement parce qu’ on n’a pas réussi à imposer à la réalité un principe de réalité aussi réducteur de possibles -voire totalitaire- que celui de bonne gestion ! Ce n’est pas faute d’avoir essayé pourtant depuis plus de deux siècles maintenant avec deux guerres mondiales comme conséquence d’après Karl Polanyi entre autres. Car ce principe de bonne gestion n’est pas autre chose que l’expression de ce qui constitue le capital en tant que tel, ce que certains économistes appellent le « principe de Matthieu » et qui fait que le capital ne connaît d’autre destinée que de se développer. En effet, dans un monde organisé de sorte que la dépense -sous forme d’investissements en particulier- est un préalable nécessaire à l’enrichissement, le rappel à l’obligation de ne dépenser que ce que l’on a -que l’on possède ou que l’on emprunte, mais bien sûr contre intérêt à ceux qui possèdent déjà- ne peut que entraîner que le capital se développe.

Une fois imposée la nécessité de la « neutralité » du budget de l’état et avoir redéfini qui devait contribuer à ses recettes -par le bouclier fiscal, mais aussi, et surtout, par la manière dont la « crise » a été gérée, en France et ailleurs, (avances et garanties données par l’état en faveur des responsables de la crise qui a jeté au chômage des dizaines de millions de travailleurs à travers le monde)-, on en arrive à la situation actuelle : non-renouvellement d’un départ de fonctionnaire à la retraite sur deux, des budgets des services publics qui stagnent, alors que les besoins augmentent, ou encore des dépenses publiques qui suivent le même principe de rentabilité immédiate que dans le privé sous prétexte d’efficacité, ce qui entraîne une privatisation des bénéfices de l’action publique -au bénéfice d’une minorité. Là encore, le dogme de la bonne gestion s’impose : quand on parle d’efficacité, encore faut-il déterminer le critère qui permet d’évaluer et le plus s’impose ici : plus de profit, de richesses, de paix sociale, ... Un enseignant qui contribue à donner à ses élèves les moyens d’exercer leur esprit critique, de faire en sorte que demain ne soit pas forcément comme aujourd’hui -ce qui me semble être tout simplement la définition d’une société ouverte-, pourra-t-il être considéré comme efficace dans la mesure où il aura contribué à faire émerger des tensions -voire des conflits- entre différents groupes sociaux -ne serait-ce qu’avec celui (ou ceux) qui tirait profit de l’ancien ordre- ?

 

Voilà pourquoi nos assemblées plénières ressemblent de plus en plus à ces réunions que Miss Ratched organisait dans Vol au-dessus d’un nid de coucou. On se retrouve face à une administration qui se pose comme mère, mais castratrice, dans la mesure où on a le droit de proposer, mais seulement si on applique le principe de bonne gestion, où on nous demande notre avis qui ne sera entendu que s’il va dans leur sens. Ainsi, les discussions sur les DHG -dotations horaires globales qui répartissent le nombre d’heures par établissement- sont-elles tout simplement hallucinantes. Il faut 15 heures dans une discipline ? Demander un poste ? La seule évocation de cette solution peut tuer un chef d’établissement un peu fragile. Sur le vote de cette DHG : le roi est nu ! Si le conseil d’administration vote contre, un décret récent prévoit qu’il sera représenté lors d’un nouveau conseil d’administration et, quelle que soit l’issue du second vote, ... le chef d’établissement appliquera ce qu’il aura décidé d’apliquer (un peu sur le modèle de ce qu’on a fait aux Irlandais et aux Français avec le traité de Lisbonne : on impose des décisions qui sont démocratiquement rejetées, mais il faut, en plus, que ceux à l’encontre de qui elles vont s’appliquer consentent à leur application : hum ça fleure bon le procès stalinien !)

Pour sortir de là une seule solution : refuser de rentrer dans cette logique délétère, faire apparaître la folie de la situation, résister !


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