Bientôt l’autonomie des collèges et des lycées ?
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Article de Frédéric Caupin, tiré du site « bellacio.org »
Bientôt l'autonomie
des collèges et des lycées ?
La loi « Libertés et Responsabilités des Universités » (LRU), votée le 10 août 2007, sous couvert de conférer la sacro-sainte Autonomie aux Universités, prépare en réalité le démantèlement du service public d’enseignement supérieur. On sait l’ampleur du mouvement qu’elle a suscité et qui réclame son abrogation.
Pendant ce temps, une commission se réunit dans les salons dorés de la République : la commission Pochard. Que prépare-t-elle ? Rien de moins que l’« autonomie » des établissements scolaires.
Officiellement, la commission est chargée de réfléchir sur le métier d’enseignant. Plus exactement, dans la lettre de mission envoyée le 20 septembre 2007 à Marcel Pochard, Conseiller d’Etat, Xavier Darcos explique : « Le Président de la République et le Premier Ministre m’ont demandé, dans la lettre de mission qu’ils m’ont adressée, de mener le chantier de la redéfinition de la condition enseignante et d’entreprendre une large concertation avec l’ensemble des acteurs de la communauté éducative et notamment, des représentants du monde enseignant. Ce processus, qui doit s’achever au printemps, se déroulera en deux temps : l’élaboration d’un état des lieux argumenté, sous formes d’un Livre Vert, puis celui de la proposition du gouvernement et de la négociation, sur le fondement d’un Livre Blanc ». Mis à part les talents chromatiques cachés de Xavier Darcos, avouons que cela ne nous apprend pas grand-chose. Pour en savoir plus, mieux vaut directement lire la lettre de mission envoyée le 5 juillet 2007 par Nicolas Sarkozy et François Fillon à Xavier Darcos. En effet, les conclusions d’une commission ministérielle se trouvent souvent dans la lettre qui en est à l’origine…
Nous allons voir qu’elle suit une logique en tous points identiques à celle mise en œuvre pour la LRU. Tout d’abord les deux premiers paragraphes sont communs à toutes les lettres de missions destinées aux différents ministres, y compris à Valérie Pécresse. Le résultat de l’élection présidentielle y est en quelque sorte présenté comme un référendum anticipé sur toutes les réformes présentes et à venir. Ensuite, le constat est semblable : l’échec en licence est remplacé par « les 20 % des élèves [qui] sortent du système scolaire sans qualification ». Dans les deux lettres, une prétendue « bataille mondiale de l’intelligence » risquerait d’être perdue si tant pour nos établissements scolaires que pour nos Universités, l’objectif de gagner des places dans les tout puissants « classements internationaux » n’était pas rempli. Enfin, quelques citations nous montrent que les modalités sont les mêmes :
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Il y a aussi des mesures plus spécifiques à l’enseignement scolaire, par exemple une sorte d’« enseigner moins pour apprendre plus » : le projet « pose la question de l’ampleur actuelle des programmes scolaires et de la surcharge horaire imposée aux enfants, dont les journées de travail sont parfois plus longues que celles de leurs parents. De fait, les enfants français ont des emplois du temps plus lourds que leurs homologues étrangers sans que cela se traduise par un niveau scolaire général sensiblement supérieur. Vous ouvrirez donc une réflexion sur la manière de réduire le volume horaire imposé aux enfants tout en valorisant les activités collectives et d’ouverture, et sans renoncer à nos exigences essentielles »
Pour être honnête, reconnaissons que les membres de la commission peuvent avoir d’autres idées. Qui sont-ils ? Parmi eux, on trouve, entre autres, un ancien premier ministre d’une autre majorité, deux professeurs de l’Enseignement Supérieur et deux directeurs de recherche. Comme membre de l’Education Nationale, seul un inspecteur général est présent ; c’est normal, pour demander leur avis aux professeurs, la grande concertation suffira… En revanche siègent deux éminents experts : Foucauld Lestienne, directeur délégué des ressources humaines et des relations sociales du groupe La Poste, et Philippe Manière, directeur général de l’Institut Montaigne, présentateur de l’émission « les grands débats du mardi » sur B.F.M., éditorialiste au mensuel « Enjeux-Les Echos ». Justement, l’Institut Montaigne, qui se définit comme un « think tank indépendant », a publié en novembre 2001 un rapport intitulé « Vers des établissements scolaires autonomes ». On peut y lire : « Nous proposons de donner aux établissements publics ou privés, qui en feront la demande, les moyens de la plus large autonomie possible sans que pour autant l’éducation cesse d’être nationale :
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ou encore :
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On voit que la LRU et la future réforme des établissements scolaires s’inscrivent dans la même logique : appliquer des recettes manageriales en déréglementant le « marché du travail » des personnels, préparer le désengagement de l’Etat et mettre en concurrence les établissements.
N’attendons pas les conclusions de la commission Pochard ! Dès maintenant, appelons nos collègues de l’enseignement scolaire et leurs organisations à rejoindre le mouvement contre la LRU !
Frédéric Caupin
Maître de Conférences à l’Ecole Normale Supérieure
Article publié sur le site bellaciao.org/fr
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