L’école de demain ? Les « succès » d’ENTEA

jeudi 13 décembre 2007
par  Thomas
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Instruire la population coûte cher, et même de plus en plus, dans un État en quête de « réforme » et de bonne gouvernance. A l’heure où le bouclier fiscal fait s’évaporer une part non négligeable des contributions des citoyens les plus riches au budget de la Nation ; à l’heure où l’on sabre à grand coup dans les effectifs de l’Education nationale et où l’on encense une LOLF censée rationaliser les dépenses publiques, l’Académie de Strasbourg se lance à grand fracas de « communication » dans la révolution numérique. Celle-ci porte désormais un nom : ENTEA (Espace Numérique de Travail En Alsace). Un certain nombre d’établissements alsaciens ont fait partie dès la rentrée des heureux élus au paradis des TIC, dont le Collège François Truffaut.

Comme il se doit désormais, le produit nous a été vanté dès le printemps dernier au cours de belles séances de démonstration : des chefs d’établissements pionniers sont venus présenter la chose dans des réunions (prises sur les heures de cours que nous devons aux élèves) dignes des soirées Tupperware® de la grande époque. Mais bon, n’est-il pas dans l’air du temps de concilier l’esprit d’entreprise et l’Ecole ?

Séduits, voire conquis, comme tout consommateur qui a subi la lourde artillerie de l’annonce publicitaire, nous nous sommes donc résolus en septembre 2007 à entrer dans le nouveau et fabuleux monde d’ENTEA. Là-bas, nous discuterions grâce à une messagerie interne et centralisée ; là-bas, nous enregistrerions les notes de nos élèves qui auraient la possibilité de les consulter depuis chez eux à la vitesse de la fibre optique ; là-bas, chaque salle de classe serait équipée d’un ordinateur permettant à l’enseignant une saisie immédiate des absences… Emplois du temps, réservations des ressources et autres cahiers de texte seraient tous gérés avec aisance par cette panacée informatique que quelques esprits chagrins et rétrogrades avaient l’outrecuidance de qualifier d’orwellien…

Et puis ce fut le premier message nous annonçant que le logiciel n’était pas tout à fait opérationnel : dans une semaine, ce serait bon… Finalement, il faudra attendre la fin du mois… Peut-être à la Toussaint… Pas cette année… On va en fin de compte racheter un logiciel de gestion des absences et un second pour les bulletins.

Bilan de cette merveille technologique : des dizaines d’heures de travail perdues pour les personnes chargées de la maintenance du réseau local informatique, des messages arrivés trop tard, des fichiers de note envolés dans la nature cybernautique et surtout une débauche d’énergie pour rien. Tout ça, pour la modeste somme de 6.850 euros (économie budgétaire oblige !) auxquels s’ajoutent environ 1.000 euros pour l’acquisition des logiciels de remplacement. Ces derniers ont été pris sur les crédits de fonctionnement de l’établissement. Inutile de dire qu’il y aurait eu pléthore d’autres affectations possibles.

Quant à la somme initiale (les 6.850 euros), elle correspond à une subvention bloquée du Conseil Général du Bas-Rhin. C’est donc de l’argent public. Et notre collège n’est pas le seul établissement à avoir opté pour ce produit… les sommes engagées dans l'opération à l'échelle de la région laissent rêveur. Or, le logiciel ScolAstance, commercialisé par un jeune-pousse prometteur ( !) mulhousien, la firme InfoStance, ne marche pas. Même l’idéologie libérale reconnaît qu’un produit défectueux (en l'occurrence, tout simplement vendu avant d’avoir été achevé et testé) mérite pour le moins un remboursement ; et un minimum de décence inclinerait à ajouter : « et une petite compensation ! ». Cela n’est à notre connaissance pas à l’ordre du jour : officiellement, tout va bien – « à l’ouest, rien de nouveau ! » –, et c'est tout juste si du bout des lèvres l'on reconnaît qu'il y a encore quelques petits ajustements à faire. ENTEA ne fonctionne pas, mais visiblement la hiérarchie académique se soucie peu de l’épreuve des faits et s’obstine à prétendre le contraire. De là à imaginer des collusions entre les chargés de mission académique et le prestataire de service sous-traitant, il n’y a qu’un pas que pas, que par manque d’information nous ne franchirons pas.

Par contre, en tant que personnels de l’Education nationale, nous nous indignons contre le gâchis de temps et d’énergie dû à l’inutile mise en place de ce logiciel. Outre sur le mépris pour les personnes qui ont travaillé en vain, nous nous interrogeons sur la perspicacité de certains choix. En tant que citoyens et que contribuables, nous réclamons des éclaircissements sur la gestion des fiinances publiques dans ce dossier.


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