Sans-papiers : La police fait peur et le chiffre TUE

mercredi 7 novembre 2007
par  sudeducationalsace
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La police fait peur. Le problème, c’est qu’elle fait moins peur aux trafiquants de drogue et agresseurs de vieilles dames qu’aux hommes et femmes dont le seul crime est d’être sans papiers.

Dès son installation dans le ministère de « l’immigration et de l’identité nationale », Hortefeux le dit : il « agira dans son ministère sans état d’âme, aucun ». Et de lancer la consigne : faire du chiffre, procéder en 2007 à 125 000 interpellations pour parvenir à 25 000 expulsions. Les préfets - docilité oblige - n’ont pas attendu longtemps pour mettre en application les consignes de Brice Hortefeux demandant des résultats. La course aux chiffres s’est brusquement accélérée au début du mois d’août quand « l’éloignement des étrangers en situation irrégulière » a été désigné comme un « objectif prioritaire de l’action gouvernementale ».

Les honteuses rafles au faciès (pudiquement couvertes du terme d’« ex-tranéité »), qui renvoient à des souvenirs non moins honteux, se multiplient : au domicile — à l’heure du laitier, on casse la porte, on menotte les parents devant les gamins traumatisés — au travail, devant les foyers d’hébergement, dans les gares, voire aux urgences des hôpitaux.

Les centres de rétention administrative - « ces horreurs de la République » comme les qualifiait le rapport Mermaz en 2001 - font le plein, les automutilations et tentatives de suicide y sont fréquentes. Les expulsions d’une grande brutalité, physique et psychologique, sont incessantes, des familles sont séparées.

L’été a été celui des défenestrations. Début août, un Congolais saute par la fenêtre du deuxième étage de l’hôtel de police de Lyon. Mi-août, à Amiens, un enfant tchétchène de 12 ans, Ivan, saute par la fenêtre pour fuir la police. Il est toujours en convalescence au CHU d’Amiens. Le 31 août, à Toulouse, Tarek, un Tunisien de 24 ans en situation irrégulière saute du quatrièmeétage. Le 12 septembre, c’est un jeune Tunisien qui passe par la fenêtre du quatrième étage à Péage-de-Roussillon, en Isère. Le 20 septembre, Chunlan Liu, terrorisée en voyant arriver les policiers, se défenestre dans le Xe arrondissement de Paris. Elle meurt des suites de ses blessures, vendredi 21 septembre, à l’hôpital Georges-Pompidou. L’issue fatale de ce drame est soigneusement cachée pendant plus de deux jours : le gouvernement se sentirait-il enfin responsable après cette cinquième défenestration ?... Le chiffre tue.

Les tribunaux sont engorgés… des policiers, des juges, des avocats dénoncent la pression instaurée par le ministère de l’immigration pour atteindre ses objectifs en matière d’expulsion.

Des fonctionnaires aussi, à quelque étape que ce soit de la machine à expulser, (tribunaux, préfecture, police...) expriment leur opposition au sale boulot qu’on leur fait faire : pour ces femmes et ces hommes, individuellement ou par la voix de leurs organisations syndicales, « faire leur métier, obéir aux ordres » pose aujourd’hui des problèmes de conscience.

Plusieurs syndicats d’Air France se sont insurgés contre l’utilisation des avions du groupe pour les expulsions et, le 11 juillet, manifestaient avec les militants de Réseau Education Sans Frontières devant les portes de l’assemblée générale des actionnaires de l’entreprise.

Les inspecteurs du travail refusent d’être les supplétifs de la police et de dénoncer les travailleurs clandestins en même temps que leurs employeurs.

Aux préfets qui dénoncent les opérations de « parrainage » et diverses autres décisions de soutien en faveur d’étrangers en situation irrégulière, des maires annoncent dans une lettre ouverte au ministre de l’Immigration qu’ils continueront de protéger les étrangers sans papiers et ne céderont pas aux menaces de poursuites : « …Votre vision obsessionnelle du chiffre en matière de politique d’immigration est d’autant plus condamnable que ce sont des êtres humains qui sont en jeu… ».

Malaise dans la police

Selon Francis Masanet, secrétaire général adjoint du syndicat de policiers Unsa, « le gouvernement, nous en sommes certains, prépare pour la rentrée des opérations spectaculaires, ciblées et... médiatiques. »... « le climat dans lequel s’effectuent ces opérations finit par peser lourdement sur le moral des troupes. Les centres de rétention surchargés, dans lesquels se multiplient conflits et drames, l’intervention des associations, les difficultés liées à l’embarquement des récalcitrants… tout cela suscite des doutes parmi les policiers sur le bien-fondé de ces méthodes. »

Selon Nicolas Comte, le secrétaire général du Sgp-Fo, « nous avons l’impression que notre mission s’apparente à un travail d’abattage... Nous n’avons plus le temps de nous attaquer aux employeurs mafieux, aux réseaux... Il y a de plus en plus de tensions lors des interpellations. On est parfois, c’est vrai, à la limite des règles de procédure […] Et pourquoi cet objectif de 25 000 expulsions ? [...] Le malaise des policiers face à ces objectifs chiffrés se ressent à tous les niveaux. Les collègues en parlent beaucoup. On a l’impression de travailler dans le vide, de ne pas donner une bonne image de la police. Ce n’est jamais drôle d’interpeller quelqu’un chez lui à six heures du matin. Mais quand il s’agit d’étrangers au milieu de leurs enfants, dont le seul délit est de demeurer dans l’illégalité pour faire vivre leur famille, c’est très difficile. »

Aujourd’hui, renforcée par la multiplication des situations dramatiques, notre détermination, au sein de RESF, reste entière.

Les citoyens, révoltés par la chasse aux sans papiers, sont de plus en plus nombreux à chercher à les protéger. Quand les lois sont illégitimes, le devoir de désobéissance s’impose : 132 000 personnes ont signé la pétition « Nous les prenons sous notre protection » dans laquelle les signataires affirment « Nous ne laisserons pas commettre ces infamies en notre nom. Chacun avec les moyens qui sont les nôtres, nous leur apporterons notre soutien, notre parrainage, notre protection. S’ils nous demandent asile, nous ne leur fermerons pas notre porte, nous les hébergerons et les nourrirons, nous ne les dénoncerons pas à la police. »

Depuis des années, au plus haut degré de l’Etat, les autorités ont réinstallé l’émigré (pauvre et extracommunautaire) en position de bouc émissaire : négation du droit de vivre en famille, tests médicaux détournés à l’usage exclusif des migrants (ADN, examens osseux…), fichiers classant les personnes selon l’origine ethnique,… droit d’asile laminé, quotas d’expulsion... Ces pratiques faites « au nom du peuple français » sont indignes. Prétendant résoudre le soit-disant « problème de l’immigration », cette politique n’a pour résultat que de répandre la terreur chez les migrants, de les pousser à des actes désespérés et de susciter la consternation et la honte dans la population.

Tragiques conséquences de cette politique : Ivan est toujours dans un état très grave, Chulan Zhang Liu est morte. C’est une injustice fondamentale.

L’opposition aux expulsions criminalisée. Florimond Guimard, instituteur à Marseille, est traduit devant la justice après des manifestations pour empêcher l’expulsion d’un père d’élève. François Auguste, élu, vice-président du Conseil Régional du Rhône, blessé par la police, est poursuivi pour s’être insurgé dans l’avion lors de l’expulsion de la famille Raba.

Kadidja, Mme Durupt et bien d’autres, n’acceptant pas de voyager dans un « fourgon cellulaire », sont poursuivis pour « entrave à la circulation des aéronefs ». Parfois relaxés en première instance, ils peuvent connaître l’acharnement d’un appel…

Informations, agenda, pétitions sur le site de RESF : www.educationsansfrontieres.org

Commission Immigration Sans papiers

Article extrait du journal de la fédération des syndicats Sud Education, novembre 2007.


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