La commémoration de Napoléon à l’école, révélatrice d’une approche nationaliste et autoritaire

vendredi 14 mai 2021
par  sudeducationalsace
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Le 5 mai, le ministre Blanquer tweetait : “2021 : Année Napoléon. Occasion pour nos élèves d’approfondir leur connaissance d’un personnage fondamental de notre histoire, avec son génie, ses fulgurances, ses erreurs et ses fautes. Et ses créations institutionnelles (lycées...).”. Il s’inscrit ainsi dans la démarche du président, qui tweetait le même jour : “L’héritage de Napoléon à notre Nation est éternel. Nous l’assumons.”.

La date du 5 mai correspond au bicentenaire de la mort de Napoléon, survenue le 5 mai 1821 à Sainte-Hélène.

Un portail éduscol, comprenant un nombre important de fiches, est consacré dans ce contexte à Napoléon. Comme le tweet de Blanquer, il se prévaut d’une approche “équilibrée” et multiplie les précautions oratoires. Néanmoins, pour SUD éducation, il est clair qu’il s’agit d’une nouvelle offensive nationaliste et autoritaire, faisant de l’école le vecteur d’une idéologie conservatrice assumée.

1. La fonction idéologique de la commémoration de Napoléon

La fiche note la différence entre “commémoration” et “célébration”, expliquant que la première n’a pas de connotation positive ou négative.

1. Cela n’a aucun sens : la mort de Napoléon ne fait pas dans ce cadre l’objet d’un traitement scientifique mais d’une mobilisation nationale, ce qui a une fonction idéologique de valorisation.
2. Ainsi, on peut noter par exemple que la Commune de Paris, dont le mouvement social fête actuellement les 150 ans, ne fait l’objet d’aucune “commémoration” de la part du ministère. Quelles que soient les précautions oratoires (“erreurs”, “fautes”, “zones d’ombre”...), un choix est clairement effectué entre ce qui relève de la mémoire nationale officielle et ce qui doit être rejeté dans l’oubli.
3. Rappelons que SUD éducation appelle à l’inverse à s’affranchir du récit national imposé et à s’approprier la mémoire ouvrière, porteuse d’émancipation, en participant aux célébrations de la Commune de Paris.

2. Les choix pédagogiques des fiches éduscol

Les fiches éduscol ont pour objectif de guider les enseignant-e-s dans la construction de leurs cours.

Ces fiches prétendent aborder de manière équilibrée les aspects positifs et négatifs du bilan de l’empereur. C’est d’une part problématique, et d’autre part assez faux.

1. D’une part, avoir comme objectif de dresser un bilan équilibré est en soi une prise de position idéologique. Par exemple, mettre un crime contre l’Humanité qu’est le rétablissement de l’esclavage sur le même plan que le Code civil, présenté comme un acquis progressiste, n’est pas acceptable. Une telle décision suffit à elle seule à disqualifier l’ensemble de l’œuvre et interdit d’évoquer ses supposées “génies et fulgurances” comme le fait le ministre.
2. D’autre part, les fiches consacrent une partie importante de leur effort à euphémiser le bilan négatif de Napoléon.

- Ainsi, le rétablissement de l’esclavage n’est d’après la fiche qu’une conséquence de la lutte indépendantiste et anticolonialiste de Saint-Domingue. Sur le rôle de Napoléon, la fiche prend soin de préciser que “Si le rôle personnel de Napoléon Bonaparte dans le rétablissement de l’esclavage est indéniable, ses motivations personnelles semblent plus difficiles à cerner. Il semble qu’il ait surtout agi par pragmatisme.”
- Concernant le rôle de Napoléon dans la fin de la séquence républicaine : la fiche précise que le “sujet est assez complexe”. Certes le Directoire n’est pas un modèle de démocratie, mais tourner autour du pot ainsi est étrange : on peut dire bien plus simplement que ne le fait la fiche que Napoléon est le fossoyeur de la République.
- Concernant les guerres incessantes (guerres de conquêtes, de rapines, annexions) et leurs centaines milliers de morts, la fiche se montre peu critique, de même que sur l’ensemble de la politique intérieure.
- Aucune analyse du sexisme du code “Napoléon” qui assurait une dépendance totale de la femme vis à vis de son mari. Code civil tellement immuable que la France n’accorda le droit de vote aux femme qu’en 1948 et leur droit de travailler sans l’autorisation de leur mari qu’en 1965. Avec le code civil, la situation des femmes françaises devient une des pires d’Europe : l’homme doit protection à sa femme et cette dernière doit soumission à son époux (art 213), incapacité civile de la femme mariée (elle ne peut pas travailler, par exemple, sans autorisation de son mari, et son salaire est versé à son mari.)


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