RESF, sans-papier,... : réflexion sur la lutte et le réseau
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"Enfants sans-papiers : RESF, trois ans et déjà grand
Par Stéphane Lagarde (Journaliste) 12H34 26/06/2007
Trois ans après sa création, le réseau de moblisation contre les expulsions s’interroge sur son avenir. Notre dossier.
"Où est le chef ?" Même le secrétariat du nouveau ministre de l’Intérieur s’est posé la question en recevant une délégation du Réseau éducation sans frontières (RESF) le 18 juin. Une anecdote qui symbolise à elle seul le coté inclassable de ce qui ne se veut ni une association, ni une organisation, ni un syndicat et encore moins un parti.
"RESF, c’est tout le monde et personne. On ne veut pas de locaux, pas de fric, tout ce qu’on demande c’est la régularisation des familles !", rappelle avec force Richard Moyon, membre fondateur du réseau, resté dans la voiture qui a accompagné la délégation, tandis que Brice Hortefeux l’attendait à Matignon. La ligne officielle laisse pourtant songeur. Pas de représentants officiels, pas de structures établies ! Quelle est donc la recette de ce réseau informel devenu l’un des principaux labels de la défense des sans-papiers en France ? Comment ces quatre lettres ont-elles pu prendre autant d’importance dans les médias trois ans jours pour jour après la création du réseau ? Petit retour en arrière…
Acte 1. L’école des sans papiers
Nous sommes le 26 juin 2004. Ce n’est pas la foule des grands jours, mais la petite centaine de représentants syndicaux et associatifs rassemblée à la Bourse du travail, à Paris, semble plus motivée que jamais. Il y a là toutes les associations de défense des droits des étrangers. Il y a surtout des syndicalistes issus du monde enseignant. "Depuis le début, l’Ecole est notre champs d’action" , souligne Florimond Guimard, 31 ans, professeur des écoles dans le centre de Marseille.
Devant Hortefeux, c’est d’ailleurs une architecte parisienne, un instituteur et une enseignante qui ont mené le dialogue. Un juste retour des choses. Après tout, la conférence fondatrice du 26 juin 2004 est bien née d’une réflexion de professeurs du secondaire de la région parisienne, les enseignants syndiqués restant largement majoritaires parmi les plus actifs du mouvement. A 59 ans, Richard Moyon est professeur de Lettres et d’Histoire au Lycée Jean Jaurès de Chatenay-Malabry, dans les Hauts-de-Seine. Ancien militant de LO, il est surtout bénéficiaire d’une décharge syndicale donnée par… trois syndicats ! FSU, Sud et la CGT.
Mais l’école, ce sont aussi ces parents d’élèves qui se jettent sous les roues de la voiture des policiers venus chercher un grand père sans-papier chinois à l’école Rampal, à Paris. Ou encore ces assistantes scolaires avec lesquelles s’est construit le réseau à Lyon. RESF a, depuis le début, adopté l’attitude inverse des collectifs de sans-papiers. Au lieu d’accueillir les familles d’élèves sans-papiers, le réseau les renvoie dans leur milieu, à savoir l’école. "On a tordu le cou au mythe de l’immigration. Les gens ont découvert que le clandestin fraudeur responsable du chômage, c’était le camarade de classe de leur fils", affirme Pierre Cordelier. Cet instituteur de 66 ans, autre tête pensante du réseau parisien, est syndicaliste à Sud éducation.
"La force du réseau, c’est qu’on peut s’inscrire à différents moments", poursuit Catherine Tourier. "On commence par s’inscrire sur son école parce qu’il y a un élèves en difficulté", explique cette professeure d’Histoire-Géographie de 56 ans, adhérente au Sness et l’une des principales animatrices du réseau dans l’agglomération lyonnaise. "On participe ensuite à une manifestation, à un parrainage, avant de disparaitre dans la nature ! Puis on revient s’inscrire dans son quartier."
Acte 2. La "chasse à l’enfant" de l’été 2006
Les inscriptions vont pleuvoir. Dès la rentrée 2005, les banderoles RESF fleurissent sur les façades des écoles. Le mouvement gagne le primaire et des nouveaux collectifs naissent en province, dans la plus joyeuse anarchie. Certains déposent les statuts d’une association, tel RESF Puy-de-Dôme, quand d’autres refusent jusqu’à désigner des représentants. Certains touchent des subventions des conseils généraux, d’autres ne vivent que des dons des particuliers et de la vente d’autocollants, ou encore en organisant des ventes aux enchères de peinture contemporaine, comme l'a récemment fait le collectif du Cher.
Pour Florimond Guimard, de Marseille, "le plus important est d’avoir trouvé un cadre qui nous convenait. Les gens en ont assez des vieilles recettes proposées par le monde syndical ou associatif, ils veulent des actions concrètes. On n’a pas envie de passer 36000 heures à décider d’une motion, RESF permet de se poser des questions sur comment on milite."
Les résultats ne se font pas attendre. Pilotées à distance grâce à Internet et aux portables, les actions se multiplient. La pétition "Nous les prenons sous notre protection" obtient jusqu’à 130000 signatures et le réseau fait reculer deux fois le gouvernement. La circulaire d’octobre 2005 du ministère de l’Intérieur permet de protéger les jeunes et leur familles jusqu’à la fin de l’année scolaire. Celle du 13 juin 2006 débouchera sur la régularisation de 7000 personnes. "Si on fait le hit parade des régularisateurs depuis trente ans, ironise Richard Moyon, au premier rang on a Mitterrand en 1981, au deuxième on a Jospin en 1998, et au troisième rang, c’est Sarkozy en 2006."
Mais la force du réseau, c’est aussi son carnet d’adresse. Un fusil à un coup dans la plupart des cas. Avec des exceptions. Premier à se mobiliser, alors qu’il était candidat à la candidature socialiste pour la présidentielle, Jack Lang était encore de la partie il y a une dizaine de jours, pour tenter d’empêcher une expulsion. C’est lui qui amènera l’actrice Josiane Balasko et d’autres personnalités du monde culturel à rejoindre le mouvement. Mobilisés également, Besancenot, Buffet, Krivine et Laguiller, qui participent à des actions ponctuelles, tout comme la verte Dominique Voynet, venue soutenir la famille Raba à Dôle.
Plus au centre et à droite, la députée Modem sortante de la première circonscription du Rhône, Anne Marie Comparini, intervient à son tour. Ou encore le député UMP de Versailles Etienne Pinte, au moment de l’examen de la loi sur l’immigration à l’Assemblée nationale. Le réseau compte désormais des soutiens dans le monde politique, culturel et associatif. Plus de 150 organisations ont signé les différents appels à la vigilance et des représentants sont régulièrement désignés dans les départements ou les grandes villes.
"Il y a une espèce d’autoreprésentation, confirme Catherine Tourier. Deux ou trois personnes par collectif sont mandatées d’une façon ou d’une autre par leur région." Depuis décembre dernier, une liste "Burot" des représentants du réseau a même été créée. "Burot avec une faute d’orthographe", précise Richard Moyon. Manière de ne pas se prendre au sérieux, manière surtout de ne pas réveiller le souvenir des "bureaux politiques" d’antan et de ne pas effrayer les militants de base qui, pour beaucoup, ont justement en commun de n’avoir jamais milité avant.
Acte 3. Trois ans de réflexion, l’âge de la maturité
Pourtant, une réflexion semble bien engagée à l’intérieur du mouvement. RESF risque-t-il d’être victime de son succès ? Trop gros pour prendre des décisions ? Depuis le 6 mai dernier, certains parmi les plus actifs s’inquiètent de ne pas tenir au même rythme pendant cinq ans. RESF doit-il évoluer et si oui vers quoi ? La question sera certainement au centre de la réunion nationale des collectif, début juillet à Lyon."
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