Lettre ouverte à M. Deneken

mercredi 3 février 2021
par  sudeducationalsace
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Monsieur le Directeur de Cabinet,

Monsieur l’Administrateur provisoire,

Monsieur le directeur de cabinet, nous vous remercions pour votre réponse à notre lettre ouverte (consultable ici : https://drive.google.com/file/d/1Am...). Nous considérons néanmoins que celle-ci, non seulement ne répond pas à nos questions, que vous qualifiez vous-même de légitimes, mais soulève de nouvelles interrogations.

En effet, votre réponse ne comporte aucun élément concret concernant la manière dont ont été sélectionné.e.s les étudiant.e.s qui ont été autorisé.e.s à participer à cette rencontre. Votre message semble d’ailleurs sous-entendre que vous n’avez pu que proposer des profils d’étudiant.e.s… A qui ? Savoir qui a décidé au final, et sur quels critères, quel.le.s seraient les étudiant.e.s qui représenteraient un “panel” d’étudiant.e.s (comme le mentionne le chapeau de l’article sur la page d’accueil du site de l’université auquel vous nous renvoyez) permettrait de comprendre la réelle finalité d’une telle rencontre et d’éventuellement se convaincre qu’il ne s’agissait pas là d’un exercice de communication.

Dans votre mail, vous minimisez le rôle de l’Université de Strasbourg dans l’organisation de cette rencontre. Il nous faut, de nouveau, consulter l’article de la page d’accueil du site, pour comprendre que ce serait en fait la Fondation de l’Université qui aurait été la plus impliquée dans l’organisation. En effet, la “prise de parole” a été “orchestrée par Thomas Heckel, directeur adjoint de la Fondation Université.”

Nous avons pu visionner la tentative de direct de Franceinfo TV et voir T. Heckel donner rapidement la parole à M. Deneken. Vos propos, Monsieur l’administrateur provisoire, à ce moment-là, ne correspondent aucunement à une tentative “d’interpeller tant le Premier ministre que la Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sur la situation préoccupante voire dramatique rencontrée et vécue par de nombreux étudiants et personnels de notre université.” Avant que la chaîne d’information ne se décide à couper la retransmission en direct, vous aurez :

- remercié le gouvernement qui était présent “pour nous soutenir” ainsi que la ministre F. Vidal (que nous ne nous permettrons pas d’appeler par son prénom) pour son engagement : “Je voudrais remercier Frédérique pour son engagement au sein du gouvernement”

- exprimé votre admiration pour votre équipe présidentielle : “ Mon deuxième mot est de dire à quel point j’admire l’équipe présidentielle que j’ai l’honneur de conduire”

- vanté les “moyens considérables” déployés : “Les moyens que nous avons mis en œuvre sont considérables, bien entendu le télé-enseignement, le télétravail, […] et qui commencent aujourd’hui à montrer leur limite […]. Par ailleurs, nous avons mis en place des moyens considérables pour assurer une continuité pédagogique et scientifique.”

Nous sommes conscients qu’il ne s’agit là que d’un court extrait de votre intervention, Monsieur l’administrateur provisoire et que vous avez pu évoquer réellement “la situation préoccupante voire dramatique” des étudiant.e.s et personnels de notre établissement. Nous ne pouvons que regretter que cela ne soit pas la première chose que vous avez mise en avant.

Au-delà d’un sens des priorités que nous ne partageons pas, nous sommes dans l’obligation de revenir sur les trois premiers points de votre intervention :

- le soutien du gouvernement, notre communauté ne l’a jamais ressenti. De telles remerciements au lendemain de la publication d’une troisième circulaire en moins d’un mois, désorganisant l’accueil physique des étudiant.e.s et anéantissant, d’une part, le travail de nombreux personnels, BIAT(o)SS, Maître.sse de Conférence et Professeur.e d’Université et, d’autre part, les espoirs de nombre d’étudiant.e.s de L1 de renouer un vrai contact avec leurs camarades et équipes pédagogiques sont plus qu’inadéquats. A notre connaissance, en dehors de fonds pour quelques centaines de tutrices et tuteurs étudiant.e.s, notre Université, comme les autres établissements de l’ESR n’aura bénéficié d’aucun soutien financier. Nous comptons sur vous pour nous corriger, chiffres à l’appui, le cas échéant, en distinguant bien ce qui peut être de l’appui au numérique, de ce qui relève de moyens humains ainsi que de l’équipement sanitaire.

- votre exercice d’auto-congratulation sonne comme un aveu : vous n’êtes pas uniquement l’administrateur provisoire de notre université, vous êtes surtout une personnalité politique en campagne pour sa réélection. Ce mélange des genres, au moment où il vous était demandé, de faire comprendre à un gouvernement hors-sol, les effets désastreux de ses décisions sur la vie d’une part importante de la jeunesse est plus que déplacé.

- les “moyens considérables” que vous vantez, ce ne sont pas des moyens financiers qu’aurait dû nous fournir le ministère ni ceux qui auraient dû être débloqués par l’administration centrale de notre établissement en direction des composantes. Il s’agit encore moins de la Fondation de l’Université de Strasbourg. Ces moyens, ce sont l’abnégation des personnels qui font face, autant que possible sans avoir la possibilité de souffler devant les annonces contradictoires qui se succèdent. Non, monsieur l’administrateur provisoire, ce n’est pas aujourd’hui que ces moyens commencent à montrer leur limite. Ces limites, nous les avons dépassées il y a bien longtemps, dès les premières semaines du premier confinement. Nous les avons dépassées au prix d’une souffrance au travail qui s’est invité jusque dans nos domicile et n’est en rien, juridiquement, du télétravail. Si les personnels continuent de se débattre, ce n’est que parce qu’ils sont conscients que de l’autre côté des écrans, la souffrance des étudiant.e.s est encore plus grande et que les personnels sont les seul.e.s à réellement tenter de sauver ce qui peut encore l’être. Tout le reste n’est que de la communication délétère, pour les étudiant.e.s et leurs études, pour les personnels et leurs missions. Dire qu’une continuité pédagogique est assurée, par exemple, c’est une communication qui semble, pour beaucoup de chantres des politiques néo-libérales en matière d’éducation, gagnante-gagnante. Elle ne l’est pas. Elle est mortifère à tous les niveaux

L’introduction de T. Heckel nous aura aussi permis d’apprendre que, suite à votre intervention, c’est Régis Bello, président de la Fondation de l’Université qui prendra la parole pour “expliquer comment la fondation a développé toute une palette d’outils pour soutenir nos étudiant.e.s les plus fragiles”. Cette fondation, qui se situe en dehors du contrôle des conseils qui régissent notre établissement, s’accapare ici, dans un élan paternaliste, les étudiant.e.s de notre université tout comme elle s’accapare depuis bien longtemps l’image d’excellence de notre université pour attirer des fonds privés avant de choisir lesquels, parmi nos instituts, nos laboratoires, nos équipes, pourront bénéficier d’une aumône à défaut de financements publics pérennes. Il s’agit, là aussi, pour notre institution, d’une communication mortifère. Vous avez fait le choix de laisser cette fondation organiser la solidarité financière de notre communauté envers les étudiant.e.s, non pas par souci d’efficacité mais uniquement pour que la communication puisse nourrir la communication.

Nous sommes conscient.e.s, Monsieur l’administrateur provisoire, de la violence des mots que nous employons dans cette lettre ouverte. Nous avons bien essayé d’en rédiger une version plus policée, mais c’était au-dessus des quelques forces qui nous restent. Cette violence n’est rien face à la violence de ce que nous vivons, étudiant.e.s et personnels de l’Université de Strasbourg. Vous jugerez que cette communication est agressive et vous la qualifierez peut-être d’indigne mais elle est beaucoup moins violente que celle qui consiste à appeler “Répare” un dispositif de soutien aux étudiant.e.s. Elle est beaucoup moins violente que celle qui promeut des “recrues, formées par des enseignants-chercheurs depuis la rentrée de janvier” alors qu’aucun moyen financier ne vient soutenir ces collègues. Elle est beaucoup moins violente que celle d’un premier ministre qui conclut sa visite par « L’Etat, le service public sont présents. Ils exerceront la plénitude de leurs responsabilités » alors que les faits, depuis le début de la crise sanitaire, démontrent tout l’inverse.

Sud Education Alsace et Solidaire Etudiant.e.s Alsace


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