Déclaration liminaire de SUD Éducation Alsace pour la CAPA hors-classe des certifiés

vendredi 26 juin 2015
par  ludo
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Déclaration liminaire de SUD Éducation Alsace
pour la CAPA hors-classe des certifiés

« To be or not to be », à la CAPA Hors classe des Certifiés, tel était le dilemme auquel étaient confrontés les deux commissaires paritaires SUD EDUCATION. En effet, cette CAPA, plus que toutes les autres, nous semble être la consécration de méthodes de gestion et d’évaluation des personnels que nous récusons totalement et que nous combattons. Il y a donc un paradoxe à siéger dans une instance dont la principale fonction est de valider, par un semblant de contrôle des représentants du personnel, un système dont nous prônons la disparition, et SUD EDUCATION en premier lieu réitère sa revendication de la suppression de la hors-classe, d’un avancement identique pour tous les collègues au rythme actuel du grand choix qui permette à tous d’arriver, en fin de carrière, à un niveau salarial équivalent à celui du dernier échelon de la hors classe actuelle, ainsi que d’une augmentation des traitements, particulièrement focalisée sur ceux de début de carrière. En outre, SUD EDUCATION demande la mise en place d’un système d’évaluation-conseil par les pairs, totalement déconnecté de toute notation ou toute mise en concurrence entre collègues.

Néanmoins, SUD EDUCATION se doit à celles et ceux qui l’ont mandatée : outre porter leurs revendications, elle doit les informer sur une réalité, celle des méthodes et critères d’évaluation, que faute de vue globale, ils ne font qu’entrapercevoir, pour le plus souvent n’en expérimenter que les effets pervers, voire délétères.

À cet égard, la lecture des avis des chefs d’établissement et des inspecteurs dessine en creux un profil de l’enseignant « méritant » fort inquiétant. Pour commencer, il ne suffit pas d’être ponctuel, assidu, ni même d’exercer ses missions d’enseignement avec sérieux ou talent. Si on en croit certains avis, on peut même reprocher à un collègue d’être « seulement » un bon enseignant. Ce qu’on attend réellement d’un collègue, c’est qu’il en fasse plus, la plupart du temps gratuitement ou en échange d’une indemnité sans rapport avec le temps et la qualité du travail fourni, mais pas n’importe comment. En faire plus, c’est soit intégrer une hiérarchie intermédiaire officieuse pour entre autres « persuader les collègues de travailler à la réalisation des actions proposées » (nous citons), soit assurer des missions supplémentaires qui ne devraient pas échoir à des enseignants et ne font que compenser le manque de moyens (PRN, faisant fonction de chef d’établissement), soit se faire le relais zélé des projets et lubies pédagogiques du Ministère : classes nomades, travail en îlots bonifiés, investissement dans des projets de learning center etc... et demain sans doute l’investissement dans les EPI ou encore mise en place d’un référentiel de l’éducation prioritaire aux objectifs absolument délirants. Faire plus, c’est aussi renoncer à sa liberté pédagogique et adopter une pédagogie qui ne soit pas « contestée par les parents » et surtout ne les « mécontente pas » et permette un affichage « bling-bling » sur le site internet de l’établissement. En un mot, abandonner tout esprit critique et, dans l’idéal, se faire le promoteur de toutes les contre-réformes passées, en cours et à venir, auprès de ses collègues, tout en permettant un fonctionnement « fluide » des différentes instances de l’établissement, spécialement le conseil d’administration. Un tel profil est simplement cohérent avec l’entrée en vigueur des nouvelles obligations réglementaires de service, qui, outre nous placer, selon les services juridiques du Rectorat, sous le régime des 35 heures, tend à faire croire aux collègues que certains réalisent un travail « invisible » ne méritant ni limitation de durée ni rémunération supplémentaire, tandis que d ’autres « méritants », réalisant des « missions particulières » auront reconnaissance, avancement et compensation indemnitaire.

Il est aussi cohérent avec le développement de l’évaluation par compétence, rouleau compresseur de l’adaptation de l’école aux exigences de l’économie libérale. Contrairement à ce qu’affirme l’institution, cette réforme ne vient pas des enseignants. Si aujourd’hui l’institution fait appel aux enseignants, c’est uniquement par stratégie, il s’agit avant tout de faire participer pour faire accepter. « Il n’est pas de vice si simple qui n’affiche des dehors de vertu », nous disait Shakespeare, et les vertus prêtées par ses partisans au système d’évaluation par compétences ne peuvent indéfiniment cacher que ce système va contribuer à :

  • Une surcharge effective du travail des enseignants, conséquence d’une part de la fragmentation des compétences qui entraînera une multitude d’items (minimalistes) à renseigner et d’autre part du fait que chaque enseignant sera chargé d’imaginer, d’inventer, de modéliser des situations dans lesquelles il pourra juger des comportements ( « très basiques ») observables chez l’élève.
  • Dénaturer les diplômes en découpant leurs contenus en une somme de « micro-compétences » extrêmement étriquées, et ce afin de réaliser « l’évaluation positive », voire l’auto- évaluation déjà en vigueur dans certaines grandes entreprises.
  • Dénaturer le métier d’enseignant : en faisant passer celui-ci d’une logique d’enseignement à une logique d’entraînement, l’enseignant deviendrait un simple « coach » chargé d’assurer le « dressage » des élèves, il s’agira de mesurer des automatismes inculqués pour résoudre de manière machinale des problèmes posés dans un cadre purement virtuel.
  • Renforcer le caractère utilitariste de l’école : l’utilitarisme considère le savoir comme un stock qui s’accumule à l’image d’un capital que l’on doit faire fructifier.
  • Renforcer le pouvoir des chefs d’établissements (et des inspecteurs) grâce à l’autonomie des structures. Dans le cadre de cette « autonomie », il s’agira (en s’appuyant sur des indicateurs de performance, des palmarès…), de « conduire les conduites » des individus en s’adressant à leur intérêt personnel et à leur rationalité économique.
  • Renforcer la maîtrise (ou plutôt le sentiment de maîtrise) de ce qui se passe dans les salles de classe grâce au livret de compétences numérique et accroître les possibilités de contrôle social et de traçabilité.
  • Contraindre l’enseignant à passer l’essentiel de son temps à évaluer les compétences de ses élèves (et donc aussi à les corriger) et ce au détriment de la transmission de connaissances.
  • Il s’agit en fait de préparer psychologiquement nos élèves à l’idée d’une évaluation permanente de la maternelle à la retraite, l’école prolongeant ce qui se fait déjà dans l’entreprise avec la formation tout au long de la vie qui s’accompagne de bilans de compétences, comment être plus efficace pour mettre la pression sur les individus ?

Une analyse croisée des critères de promotion à la hors-classe et de toutes les réformes en cours , nous permet donc d’affirmer que, si l’on persiste ainsi, l’enseignant de demain sera majoritairement un professionnel docile, surmené et dénué de toute réflexion critique, à l’image des élèves qu’il aura en responsabilité. Nous adressons donc deux questions simples à l’administration : est-ce là réellement le genre d’adultes que l’on veut mettre face à nos élèves ? Est ce là le seul destin que l’institution pense réserver à la grande majorité de ces derniers ?

A titre de conclusion, permettez à SUD EDUCATION de convoquer une dernière fois le génie de Stratford-upon-Avon : « c’est un malheur du temps que les fous conduisent les aveugles », nous dit Shakespeare dans « Le roi Lear »... Cessons donc d’aveugler les collègues, de considérer qu’ils ne « voient rien » et arrêtons ces folies qui mettent à bas le service public de l’éducation.


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Texte de la déclaration liminaire de <span (...)

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