Pour lutter pour un fonctionnement démocratique, à la base, refusons collectivement le conseil pédagogique

mardi 8 juin 2010
par  sudeducationalsace
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Le conseil pédagogique, l’antichambre du pouvoir, l’acceptation de la hiérarchie et du mépris des décisions collectives.

Le conseil pédagogique constitue, à nos yeux, le point nodal de la réforme puisqu’il devient le pivot d’un cadrage local au détriment d’un cadrage national. Sa mise en place risque de modifier profondément le métier d’enseignant dans l’Éducation nationale. Le texte des décrets sur le Conseil Pédagogique a été publié au J.O. du 28/01/2010.

Le lycée qu’il prépare

Cette réforme a, entre autres, l’objectif de diminuer le nombre d’enseignants pour mettre en œuvre le dogme gouvernemental de la réduction du nombre de fonctionnaires. Dans cette perspective, elle réduit les horaires dévolus à chaque discipline. On aurait tort de nier sa dimension idéologique : elle met en place un lycée libéral, en ce qu’elle produit une situation de concurrence généralisée entre les établissements, les disciplines au sein même des établissements, les personnels et même entre les élèves. D’autre part, elle induit une approche individualiste de l’enseignement, des élèves et des personnels. Mais c’est aussi une réforme comptable dont le contenu est incompréhensible si on néglige cette dimension purement économique. Il est donc absurde de prétendre, comme le font certains syndicats, évaluer cette réforme en la séparant de son volet économique.

Son origine

La réactivation du conseil pédagogique est l’une des pièces maîtresses de la mise en place de la réforme Chatel. Le conseil pédagogique est une instance de gestion, dont l’installation remonte à la loi Fillon du 23 avril 2005. À l’époque, il répondait à une demande insistante du SNPDEN (syndicat majoritaire des chefs d’établissements et membre de l’UNSA-Éducation) qui, sous le motif d’une meilleure concertation avec les enseignants pour la préparation du projet d’établissement, réclamait une instance supplémentaire pour les encadrer. L’élargissement des compétences du chef d’établissement au domaine pédagogique exigeait en effet l’instauration de cette hiérarchie intermédiaire, dénoncée alors, et à juste titre, par de très nombreux collègues comme une forme de « caporalisation ». Avec la réforme Chatel, le conseil pédagogique devient réellement l’instrument du renforcement et de l’élargissement du pouvoir du chef d’établissement en matière pédagogique.

Un vecteur de concurrence

Sa fonction est de proposer la répartition des horaires hebdomadaire (10h30 par division de seconde) à redistribuer aux disciplines dans le cadre de l’autonomie des établissements : il peut par exemple proposer de consacrer la majeure partie de ces 10h30 à créer de petits groupes pour l’accompagnement personnalisé au détriment de l’enseignement disciplinaire, ou au contraire favoriser l’enseignement disciplinaire, ce qui fera de l’accompagnement personnalisé un travail dans un groupe… à 35. C’est aussi selon cette répartition proposée en conseil pédagogique que le lycée se spécialisera, par exemple dans les langues vivantes en proposant des cours à faible effectif, ou dans les matières scientifiques qu’il privilégiera. Cette logique de répartition horaire propre à chaque établissement va donc conduire à des disparités importantes entre les lycées. Une spécialisation de chaque établissement s’ensuivra, qui servira de vitrine ou de repoussoir et aura une incidence sur le recrutement des élèves, dans le contexte actuel de disparition de la carte scolaire.

C’est donc bien une mise en concurrence des établissements qui vont, chacun pour leur compte, tenter d’obtenir l’ouverture du plus grand nombre d’options possibles au détriment de leurs voisins puisqu’il n’est pas question d’offrir toutes les possibilités partout. Les familles et les élèves sont donc mis dans la situation de « faire leur marché » et de choisir l’offre la plus attractive.

Un outil de gestion des ressources humaines

Le conseil pédagogique est l’outil de gestion de la pénurie, qu’il cautionne en même temps puisque ses membres, pour la plupart enseignants, l’avalisent en organisant le fonctionnement du lycée à partir de l’enveloppe budgétaire qui lui est fournie. Par ailleurs, en organisant une partie des enseignements, le conseil pédagogique aura une incidence sur le maintien ou la suppression de postes dans telle ou telle discipline. Concrètement, cela signifie donc que certains enseignants auront un pouvoir sur le poste de leurs collègues. C’est en ce sens que la politique de suppression de postes, en créant la pénurie, crée nécessairement la concurrence ; le conseil pédagogique se présente comme un instrument de gestion des ressources humaines selon l’esprit du libéralisme. Circonstance aggravante : ce seront des pairs (les enseignants) qui devront endosser cette responsabilité vis-à-vis de leurs collègues. Pour cette raison, dans les faits et même s’ils n’ont pas de titre spécifique, les membres du conseil pédagogique ont pouvoir sur les autres et constituent effectivement ce que l’on peut appeler une hiérarchie intermédiaire. S’il devait se pérenniser, ce type de fonctionnement serait lourd de discordes au sein des salles de profs et contribuerait à détruire un peu plus la possibilité d’agir et de résister collectivement.

Une remise en cause des missions de l’enseignant et de la liberté pédagogique

Plus encore, le conseil pédagogique -donc des enseignants- se retrouve désormais à assurer la mise en œuvre de « l’ingénierie » des enseignements qui, jusqu’alors, relevait des tâches de la hiérarchie administrative (en particulier du proviseur adjoint). Au passage, remarquons que les collègues coordinateurs qui, dans la plupart des cas, sont désignés par le chef d’établissement comme membres du conseil pédagogique, se retrouvent à assumer des tâches qui n’étaient pas prévues quand ils ont accepté cette fonction. Jusqu’à présent, le rôle de coordinateur se cantonnait pour l’essentiel à diffuser et centraliser des informations diverses et variées et non pas à être « responsable de discipline ».

Dernière conséquence, le conseil pédagogique comporte le risque d’une remise en cause de la liberté pédagogique. Il a en effet pour compétence de « coordonner les enseignements, de les organiser en groupes de compétences, de noter et évaluer les activités scolaires ». Les professeurs resteront-ils les concepteurs de leur enseignement et de leur pratique pédagogique, ou ne deviendront-ils que de simples exécutants de décisions « administratives » votées en C.A. ou arrêtées par le chef d’établissement ?

Le gouvernement a pris les personnels de vitesse en promulguant sa réforme par décrets, au point que, dans certains établissements, la préparation de la rentrée 2010 s’est faite avant la publication des décrets. Tentons une note positive : il est plus facile d’obtenir le retrait d’un décret que celui d’une loi…

Sud éducation n’a pas signé les 16 points de convergence en juin 2008 sur les lycées et n’a donc pas participé aux pseudo-concertations qui ont facilité la promulgation de cette réforme. Nous continuons à dénoncer cette réforme, qui, comme celles concernant l’école primaire, les collèges et les lycées professionnels, contribue à affaiblir le service public d’éducation. Nous dénonçons la mise en place des conseils pédagogiques qui se voient investis d’un rôle de gestion des ressources pédagogiques visant à organiser la concurrence entre les matières et les enseignants et à avaliser la pénurie des moyens.

La fédération Sud éducation demande aux enseignants de refuser de siéger dans ce conseil qui n’a aucune légitimité et de faire en sorte qu’il ne se tienne pas. Au contraire, il faut résister collectivement et demander à nos élus en Conseil d’Administration de porter les décisions des Assemblées Générales des personnels.

(Extrait du communiqué fédéral du 25 mars 2010)


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