La vie après la circulaire Sarkozy : article des DNA du 13 juin 2007

jeudi 14 juin 2007
par  sudeducationalsace
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Il y a un an jour pour jour, la circulaire signée par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy ouvrait la voie à un nombre limité de régularisations de familles sans papiers ayant des enfants scolarisés. Déboutée, Fatou N’Diouck nous raconte son quotidien de sans-papiers.

La préfecture du Bas-Rhin a reçu l’an dernier 317 demandes de familles souhaitant obtenir des papiers dans le cadre des régularisations permises par la circulaire Sarkozy du 13 juin 2006 (*). A l’automne dernier, les services de l’État avaient recalé 277 dossiers.
 Un an jour pour jour après la publication du texte, RESF 67 peine à comprendre les décisions préfectorales et déplore une « logique de quotas » ignorantes de la situation des familles comme des critères de la circulaire.
 Fatou N’Diouck, 41 ans et sa fille Khadidiatou, 15 ans, scolarisée en 4e à Strasbourg, avaient accueilli le texte ministériel pleines d’espoir. « Nous étions dans les critères. Je suis entrée de manière régulière en France pour rejoindre mon conjoint en 2002 [elle a par la suite fui le domicile conjugal suite à des violences de son époux, ndlr]. Khadi est scolarisée ici depuis l’âge de 10 ans. Je suis arrivée sans parler français, j’ai pris des cours pour m’intégrer », détaille Mme N’Diouck.

Une élève sans papiers au Conseil des jeunes

 Dans le même esprit, Khadidiatou s’investit tant à l’école qu’au Conseil municipal des jeunes - une instance consultative créée par la Ville. « Le maire Fabienne Keller a d’ailleurs salué nommément son engagement au Conseil », souligne Eric Schultz, coordinateur de RESF 67.

 N’empêche, à l’automne, Fatou et sa fille ont été déboutées et invitées à quitter le territoire : « Pour Khadi, ça a été un choc. Elle n’a pas compris. On remplit tous les critères et on nous demande de partir. Comment lui expliquer ? »
 Coiffeuse de profession, Mme N’Diouck ne peut travailler, faute de papiers. « Je vis des colis de Caritas et de la banque alimentaire. Nous dormons chez des compatriotes ou des amis. Nous changeons d’endroit en permanence », détaille-t-elle.
 Une vie d’autant plus déstabilisante qu’elle est « faite de peurs ». Depuis son arrestation suite à un contrôle inopiné et une nuit de garde à vue, en mars dernier, Fatou limite ses déplacements au maximum : « Je crains les contrôles, je n’ose pas prendre les transports, quand je croise un uniforme, je tremble ».
 Pas question pourtant de retourner au Sénégal. « Je n’ai plus rien là-bas. Ici, je n’ai peut-être ni droits, ni vie, mais ma fille, elle, a des rêves pleins la tête. Et c’est en France qu’elle veut les réaliser. »
 Cette situation n’a rien d’unique. Pire, sur les 80 dossiers déposés en 2006 en préfecture et suivis par RESF, « 20 n’ont toujours pas reçu de réponse », pointe Eric Schultz.
 Le futur préfet sera d’autant plus attendu sur ces questions que la vacance au sommet des services de l’État interdit pour l’instant tout recours gracieux et tout dialogue avec des associations impatientes d’avancer dans un certain nombre de dossiers.

Manuel Plantin

(*) La circulaire fixait six critères, notamment la résidence habituelle des parents en France depuis au moins deux ans, la scolarisation effective d’un de leurs enfants depuis septembre 2005 au moins et une réelle volonté d’intégration.

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